Grand Débat National 12 mars 2019 Le Mans (photo) - Copie

Grand Débat National : notre soirée du 12 mars 2019 au Mans

« Quelles doléances en Sarthe ?
Et après … Quelles solutions ?

Synthèse des échanges

 


Accueil et introduction : Loïc BLANCHARD
Président MoDem72

 

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Intervention de Dominique DHUMEAUX

Maire de Fercé-sur-Sarthe
Président de l’Association des Maires Ruraux de la Sarthe
Vice-Président des Maires Ruraux de France

 

Initiateur des cahiers de doléances, proposition reprise et déployée dans des mairies de toute la France.

Depuis 2005 et la crise des banlieues, la ruralité a été la variable d’ajustement budgétaire pour trouver des ressources pour les banlieues ou d’autres territoires jugés prioritaires. La ruralité est devenue une variable d’ajustement et ses habitants se sont sentis de plus en plus abandonnés.

Depuis 2012, plusieurs interpellations ont été faites par les élus locaux au plus haut niveau de l’état, mais sentiment de ne pas être entendus ou, lorsqu’ils l’étaient, que cela était sans effet concrets.

Malgré des débats et des cris d’alerte lors des élections (suscitant parfois des prises de conscience), la « routine » reprenait comme avant sitôt l’élection passée : fermetures de classes, regroupement de gendarmeries, suppression de services publics…

La dématérialisation est également une des vraies souffrances de la population (ex : déclaration obligatoire des revenus par internet).

Or, depuis 10 ans, l’insatisfaction des citoyens, particulièrement en milieu rural, se traduit par un vote massif FN ou de l’abstention. Les bulletins de vote ne fonctionnant pas, il ne restait plus que la rue pour s’exprimer. C’est en grande partie ce qui a conduit au mouvement des gilets jaunes.

Début octobre 2018, avait eu lieu une rencontre des 6 représentants de l’association des Maires ruraux de France ruraux avec le Premier Ministre pour l’alerter. Cette alerte, pressentant la crise à venir, n’a pas été prise suffisamment au sérieux.

Dans le département de la Sarthe, des cahiers de doléances ont été ouverts dans 110 communes (à distinguer des cahiers qui ont été ouverts dans le cadre du Grand Débat).

Participation de beaucoup de personnes que l’on ne voyait pas par ailleurs, parmi lesquelles beaucoup de personnes qui avaient mis un gilet jaune sur leur pare-brise.

De nombreux messages s’adressaient directement à Monsieur le Président de la République…

Principales expressions :

  • colère des citoyens, sentiment d’être négligés par l’Etat ;
  • politique à deux vitesses dans le développement des territoires, tout en imposant de manière brutale des choix insuffisamment adaptés aux réalités locales (ex : loi NOTRe)
  • demande que, où que l’on vive, on puisse être considéré de la même manière ;
  • davantage de justice sociale ;
  • impôts équitables et utilisés de manière rigoureuse ;
  • avenir de la planète.

(Peu de revendications sur l’agriculture, mais un certain nombre d’agriculteurs retraités se sont exprimés, tandis que les agriculteurs actifs sont plutôt bien défendus par leurs syndicats).

Autres demandes fréquentes : mettre fin aux privilèges de certains élus, hauts fonctionnaires, chef de grandes entreprises (parfois anecdotiques mais symboliques : avantages des parlementaires, retraites des présidents de la République), ainsi qu’aux abus (noms souvent cités en exemple : Jérôme CAHUZAC, couple BALKANY, Carlos GHOSN), à l’évasion fiscale…

Les cahiers désormais mis à disposition dans le cadre du débat national font émerger des expressions sont du même ordre.

En revanche, sur le site internet du Grand Débat, d’autres catégories s’expriment (plus urbaines, plus aisées). Il y a alors à craindre que les doléances originelles passent à nouveau au second plan.

Emmanuel MACRON n’est pas responsable de l’état dans lequel il a trouvé le pays, héritant des choix politiques des 30 dernières années qui ont conduit à cette crise. Mais il est responsable des choix qui sont faits désormais et il aura donc une très grande responsabilité lors des annonces qu’il fera à l’issue de ce Grand Débat.

Toutefois, le mouvement qui a eu lieu permet déjà que des choses bougent. Par exemple, l’INSEE est en train de revoir totalement sa méthodologie de cartographie du pays, qui ne correspond pas suffisamment à la réalité de la vie des territoires (ex : en Sarthe, la métropole englobe trop largement des communes rurales intermédiaires qui ne bénéficient pas en réalité des services de celle-ci car très éloignés ou enclavés), et sur lesquelles s’appuient pourtant les politiques publiques.

Quelles préoccupations communes entre les citoyens urbains et ruraux du Département ?

  • La santé : difficulté d’accès au soin / désertification médicale ;
  • L’école: la Sarthe a plus de fermetures de classes que d’autres départements du fait de l’importance du nombre de classes à dédoubler en primaire sur les zones prioritaires du Mans, les postes nécessaires sont prélevés dans les zones péri-urbaines et rurales) ;
  • La mobilité : 35% de la masse salariale des entreprises de l’agglomération du Mans qui paient la taxe sur les transports provient de salariés qui habitent la campagne. Or, les villages et leurs habitants ne bénéficient pas de cette ressource et ne peuvent donc pas/peu développer les infrastructures les amenant vers la métropole pour travailler.

Nous aurions pu penser que les citoyens urbains et ruraux allaient « se battre », or ces enjeux communs permettent finalement de se rassembler dans la recherche des solutions.

 

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Echange avec les participants / débat

Animation : Eric EMMANUEL
Délégué départemental MoDem72

 

NB :

– Les notes des secrétaires, synthétisées ici, ne sont pas retranscrites de manière totalement chronologique, mais regroupées par thématiques.

– Les encarts en couleur reprennent des propositions formulées par un ou plusieurs participants, sans validation par l’ensemble. Elles sont à entendre comme des pistes de réflexion pour les décideurs.

 

 

NUMÉRIQUE

Réflexion sur les effets du numérique : ce qu’il apporte comme avantages/aide/innovation* et ce qu’il entraîne par ailleurs comme fractures, rupture du lien, empêchement pour ceux qui ne maîtrisent pas les outils informatiques ou n’y ont pas accès. 13 millions de français seraient éloignés du numérique ou en difficulté avec son usage.

  • Rapport du Défenseur des droits : « Dématérialisation des démarches administratives et inégalités d’accès aux services publics ». Pour en savoir plus, cliquez ici.

Un participant : « 60 millions de français deviennent fous avec le numérique » : dépendance, relation au temps, fake news, débordement par les mails… Et problème des usages du numérique quand il détourne de la mission première. (Ex : à l’hôpital où le temps accordé à des contraintes d’alimentation des outils numériques peut se faire parfois au détriment de soins pour les patients.)

Le numérique est porté par une idéologie « solutionniste », soit l’idée que le numérique peut résoudre tous les problèmes, ce qui est dangereux.

Un jeunes participant : dit avoir grandi avec le numérique, donc être plus à l’aise que d’autres générations avec cet outil qui fait partie de sa vie. Il voit aussi les opportunités que peut apporter la télémédecine.

Proposition : Penser les outils numériques (des administrations notamment) comme des aides techniques possibles, mais pas comme une solution absolue à toutes les situations. Et surtout que ces aides ne soient pas exclusives (ex : maintenir une alternative pour ceux qui ne peuvent ou ne souhaitent pas utiliser l’outil numérique en conservant selon les cas un accueil physique, téléphonique, formulaire papier…).

 

DÉVELOPPEMENT ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE / ACCÈS AUX SERVICES

Les territoires se développent à des vitesses différentes, y compris en termes d’infrastructures (notamment numériques).

Proposition : S’assurer d’une couverture complète du réseau 4G « indoor » (dans les habitations) et de l’offre fixe » triple play » (téléphone, internet, TV numérique), avant de déployer la 5G dans des territoires « privilégiés ».

 

Une grande partie des richesses est captée par les métropoles.

Proposition : permettre un reversement de la taxe sur les transports aux territoires où vivent les salariés des entreprises qui y sont assujetties.

 

Les fonctionnaires ne sont pas forcément là où ils devraient être ; pourquoi les fonctionnaires ne se déplacent pas de temps en temps dans les communes au lieu d’obliger les habitants de se déplacer vers eux ?

Une solution aux problèmes de désertification est la formation d’agents polyvalents de services publics qui se déplacent dans les communes.

Proposition : développer les Maisons de services publics mobiles/itinérantes, qui répondent à la fois au problème de la mobilité et du maintien du lien avec les usagers par une présence humaine.

(Ex : cliquez ici pour en savoir plus)

 

Pourquoi les intercommunalités ne marchent pas ? et/ou ne font pas faire de réelles économies ?

Explication par Dominique DHUMEAUX : dans une petite commune par exemple, l’entretien des routes occupe un 1/2 agent. La petite commune ne peut céder pas son agent ; la communauté de communes embauche ; du coup des structures se superposent et les coûts augmentent.

Un participant s’interroge sur ce qui fait que les collectivités sur un territoire plus vaste que nos communes françaises existent pourtant bien en Angleterre ou en Allemagne…

Dominique DHUMEAUX estime que l’histoire et la culture de ces pays n’est pas la même. Cela a conduit à un aménagement du territoire et une densité démographique différentes.

Par ailleurs, il constate que beaucoup de communes qui se sont regroupées en France au cours des dernières années ont vu leur vie associative s’effondrer.

Proposition : Favoriser les mutualisations entre communes rurales, plutôt que les fusions/absorptions qui sont coûteuses et créent un sentiment d’éloignement du centre de décision et de l’espace démocratique.

 

Être attentif à ce que les choix politiques correspondent à un large besoin ; besoin de politiques transversales.

Un participant met en garde sur une tendance à ce que l’intérêt personnel est perçu comme l’intérêt général.

L’aménagement des territoires doit prendre en compte l’intérêt général, en changeant parfois nos modes de pensée et en faisant des choix courageux.

 

ÉGALITÉ / JUSTICE SOCIALE ET FISCALE

Un participant rebondit avec « la nécessité de parler clair ». « On ne peut pas donner les mêmes commodités dans une commune de 300 habitants qu’à une grande commune. » Ce n’est pas le retrait des services publics qui cause la désertification des campagnes, c’est la désertification qui entraîne le retrait des services. Il y a des seuils en deçà desquels on ne peut pas maintenir tous les services.

Autre point de vue : On peut aussi constater que le maintien d’un service public (ex : école) est ce qui permet à la commune de ne pas mourir, de continuer à accueillir de nouvelles familles et potentiellement finir par se repeupler. Ceci s’observe très bien dans certaines zones rurales de la Sarthe, du fait des coûts du logement très élevé en ville et qui incite des ménages à s’installer plutôt à la campagne.

Si le mouvement des gilets jaunes a autant de succès, c’est à cause des inégalités qui s’aggravent et/ou sont plus visibles sans doute qu’avant.

Un participant explique qu’il était assujetti à l’ISF, que cela lui semblait normal et qu’il n’avait pas besoin pour vivre des gains faits lors de sa suppression.

Proposition : remettre en place une ISF repensée (prévoyant par exemple que l’investissement fait réellement dans le développement économique ouvre droit à une déduction fiscale en conséquence).

Dominique DHUMEAUX confirme que la question de la justice sociale est prégnante.

Il précise aussi que sur 1700 doléances qu’il a pu lire sur les cahiers de notre département, 4 seulement ont abordé l’immigration dont 2 fois de manière posée ; aucune fois le sujet de la PMA  n’a été abordé…

Faire de la pédagogie de ce que les immigrants peuvent nous apporter plutôt que d’agiter des peurs.

 

DÉMOCRATIE / CITOYENNETÉ

Une demande forte dans les cahiers de doléance est celle d’un vote obligatoire aux élections et la reconnaissance d’un vote blanc.

La consultation oblige les élus à travailler leur sujet et se positionner dans l’intérêt de leur population. Ex. concret : faire voter les habitants des communes susceptibles de se regrouper.

RIC… Il y a une distinction à faire entre référendum ascendant et référendum descendant

Propositions :

– Un Référendum d’Initiative Citoyenne pouvant être utilisé à tous les échelons de l’organisation publique (commune, département … jusqu’au niveau de l’état). Mais pour que cela fonctionne, il faut une réflexion sur les sujets posés, les seuils de déclenchement, la manière de formuler une question à laquelle les citoyens devront répondre…

– Privilégier le référendum ascendant (d’initiative citoyenne) à la consultation descendante.

 

Autres propositions diverses :

  • Accompagner concrètement les agriculteurs pour mettre en œuvre la fin du glyphosate.
  • Dédier certains impôts (sur les dividendes ?) à aider à changer de carburant.
  • Ne pas détricoter les maillons « à taille humaine » qui font le tissu social des territoires.
  • Mieux communiquer sur les politiques publiques et des décisions des communes qui touchent tout le monde. (Un participant souligne que quand l’Etat veut le faire, il sait le faire. Ex : passage à la TNT, campagne de vaccination anti-grippale…)
  • Mieux prendre en compte et accueillir les populations immigrées, en valorisant les richesses qu’elles peuvent apporter au pays.
  • Développer/soutenir les initiatives favorisant la solidarité de proximité et la coopération entre les habitants (co-voiturage, livraison de courses, etc.).
  • Introduire un principe dans la mise en place de nouvelles politiques pour évaluer en amont les impacts et s’assurer que chaque décision sera efficace, économiquement pertinente et bénéfique pour les citoyens. C’est-à-dire de satisfaire la majorité d’entre nous, sans jamais mettre en souffrance la minorité des plus fragiles. Le souci premier de toute politique publique doit être la protection des citoyens déjà en difficulté, isolés…